Le 17 juillet 2024, 34 pays, dont les États-Unis, l’Allemagne, la France, le Royaume-Uni, l’Argentine, le Canada, l’Australie, la Belgique et le Brésil, ont signé les Global Guidelines for Countering Antisemitism. Ce nouvel accord vise à combattre l’antisémitisme sous toutes ses formes, qu’il soit physique ou virtuel, à travers l’ensemble du spectre politique et dans tous les pays signataires. Cet engagement urgent répond à une montée alarmante de l’antisémitisme depuis le 7 octobre, mettant en danger les communautés juives du monde entier. Appliquer ces règles est essentiel pour garantir la sécurité et la cohésion sociale.

 

Les Lignes directrices pour combattre l’antisémitisme

Les lignes directrices adoptées comportent douze points principaux. Elles recommandent que les gouvernements et les leaders politiques dénoncent l’antisémitisme rapidement et clairement chaque fois qu’il se manifeste, tant au niveau national qu’international. Cette dénonciation doit être sans équivoque, afin de transmettre un message fort de rejet de l’antisémitisme.

Ces directives insistent sur l’importance d’éviter la politisation de l’antisémitisme, qui peut se manifester à travers tout le spectre politique et doit être rejeté sans parti pris, indépendamment de son origine. Cependant, éviter cette politisation ne signifie pas qu’il ne faille pas établir une distinction claire entre l’antisémitisme et l’antisionisme, deux concepts souvent confondus, d’autant plus depuis le 7 octobre. Pour être plus claires et efficaces, ces directives auraient dû préciser la différence entre le soutien légitime aux mouvements palestiniens et à leurs droits, la critique de certaines politiques du gouvernement israélien, et l’antisionisme, une haine d’Israël qui aspire à sa destruction et masque des formes d’antisémitisme. En ne faisant que sous-entendre ces distinctions, les directives laissent place à l’interprétation et risquent de ne pas atteindre pleinement leur objectif de lutte contre l’antisémitisme. Une approche plus détaillée et explicite aurait permis de mieux encadrer le débat et d’éviter les amalgames potentiels entre ces différents concepts. Cette clarification aurait été cruciale pour permettre une discussion nuancée sur ces questions complexes, tout en condamnant fermement toute forme de discrimination ou de haine envers les communautés juives.

Dans ces lignes directrices, les gouvernements et organismes internationaux sont encouragés à adopter et mettre en œuvre des stratégies et des plans d’action qui impliquent tous les ministères et autorités publiques pertinentes. Cette mise en œuvre doit se faire en consultation avec les communautés juives, la société civile et autres parties prenantes. Ces politiques doivent être périodiquement évaluées et mises à jour pour rester efficaces et pertinentes.

Il est recommandé de désigner des coordinateurs nationaux ou des envoyés spéciaux pour aborder l’antisémitisme de manière proactive. Ces responsables doivent être dotés de l’autorité et des ressources nécessaires pour être efficaces dans leur mission.

Pour comprendre et combattre l’antisémitisme, la « Définition de travail de l’antisémitisme » de l’IHRA, adoptée par plus de 40 États membres de l’ONU, est un outil reconnu internationalement pour identifier et comprendre les diverses manifestations de l’antisémitisme (antisionisme, négationnisme..).

Les gouvernements doivent également assurer la sécurité et le bien-être de ces communautés en fournissant des protections appropriées contre les menaces physiques, en collaboration avec les communautés elles-mêmes.

Des politiques doivent être mises en place pour assurer une collecte uniforme des données sur les incidents d’antisémitisme et les perceptions au sein des communautés juives et du grand public. Ces informations permettent une compréhension basée sur des preuves des tendances et des sources de l’antisémitisme.

L’application des lois sur les crimes de haine et la discrimination est essentielle. Cette application doit se faire dans le respect des libertés civiles et des droits de l’homme, comme la liberté d’expression, pour transmettre le message que l’antisémitisme est inacceptable et aura des conséquences.

L’éducation est un pilier fondamental dans la lutte contre l’antisémitisme. Elle inclut le souvenir de la Shoah, la lutte contre le négationnisme et la distorsion de la Shoah, et la sensibilisation des forces de l’ordre. De plus, l’éducation sur la culture juive et ses contributions à la société aide à démystifier les Juifs et le judaïsme.

Contrer l’antisémitisme nécessite un engagement de toute la société, incluant la participation active de la société civile. La collaboration, le renforcement des ponts, le développement de la confiance entre les leaders religieux, civiques et culturels, et la promotion de la compréhension mutuelle sont essentiels. L’antisémitisme n’est pas seulement une menace pour les Juifs, mais peut aussi mettre en danger les membres d’autres groupes minoritaires, les valeurs démocratiques et la sécurité nationale.

L’antisémitisme se propage également en ligne. S’opposer à l’antisémitisme sur les médias sociaux, rester informé des tendances, augmenter la transparence sur le contenu antisémite et trouver des solutions adaptées aux cadres juridiques existants sont des actions essentielles.

Enfin, la coopération internationale est primordiale. Une collaboration transnationale permet d’identifier les menaces, de sensibiliser, de diffuser les meilleures pratiques et de coordonner les réponses de manière proactive et efficace.

 

Coordination et travail : Les clés du succès

Ces lignes directrices sont très complètes et, bien que leur mise en œuvre représente un défi, elles ne sont pas impossibles à réaliser. Cependant, elles exigent une coordination et un travail acharné de la part de tous les acteurs concernés. La collaboration entre les gouvernements, les organisations internationales, les communautés juives et la société civile est cruciale pour créer un environnement sûr et inclusif pour tous. L’intensification de ces efforts vise également à prévenir tout futur attentat antisémite, soulignant l’urgence et la gravité de la situation actuelle.

Cependant, un seul bémol, et non des moindres : seuls 34 pays sur les 193 États membres de l’ONU ont signé cet accord. Certains pays, tels que la Russie, l’Iran et plusieurs pays arabes, sont les grands absents de cet engagement. Cette absence d’unanimité reflète les tensions géopolitiques actuelles, notamment les guerres en Ukraine et au Proche-Orient, qui compliquent considérablement la recherche d’un consensus global. De plus, des enquêtes ont révélé que certains de ces pays non-signataires utilisent les réseaux sociaux pour propager la désinformation et exacerber les divisions.

Malgré la difficulté d’atteindre un accord international, l’application de ces règles par les pays signataires marque une avancée significative dans la lutte contre l’antisémitisme. Ces efforts, bien que partiels, contribuent à la protection des communautés vulnérables et au renforcement de la cohésion sociale. La poursuite du dialogue diplomatique et le travail sur la résolution des conflits internationaux ouvrent la voie à un futur consensus plus large sur la question de l’antisémitisme car le combat contre l’antisémitisme se doit d’être global et international. Dans l’immédiat, chaque action positive, même limitée, participe à la construction d’un monde plus tolérant et inclusif.

 

Stephanie Courouble-Share

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