3 décembre 2019 –
Une résolution parlementaire, soumise à l’Assemblée nationale ce mardi 3 décembre, suggère de reprendre la définition de l’antisémitisme de l’Alliance internationale pour la mémoire de l’Holocauste (IHRA), validée par plusieurs pays et appuyée par Emmanuel Macron en février devant le Crif.
Dans une tribune au « Monde », Mr. Potier, délégué interministériel à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT, estime que la définition n’interdit nullement la critique de l’État d’Israël.
Au contraire, tel que l’écrit justement Frédéric Potier dans cette tribune, la définition « permet de prendre pleinement conscience des formes les plus contemporaines et les plus insidieuses de l’antisémitisme ». Cette définition sera également un outil éducationnel qui facilitera la définition de l’antisémitisme actuel et de ses multiples formes (antisionisme, négationnisme) « dans la vie publique, les médias, les écoles, le lieu de travail et la sphère religieuse ».
La définition donne également quelques exemples contemporains d’antisémitisme, incluant le négationnisme :
- la négation des faits, de l’ampleur, des procédés (comme les chambres à gaz) ou du caractère intentionnel du génocide du peuple juif perpétré par l’Allemagne nationale-socialiste et ses soutiens et complices pendant la Seconde Guerre mondiale (l’Holocauste);
- le reproche fait au peuple juif ou à l’État d’Israël d’avoir inventé ou d’exagérer l’Holocauste;
Ainsi, elle permet de clairement exprimer, et c’est une avancée majeure, que le négationnisme est une forme d’antisémitisme, souvent lié à de l’antisionisme.
Par contre, nous pouvons qu’être sceptique sur l’intérêt d’une reconnaissance politique d’une définition qui somme toute, aurait pu seulement s’imposer dans le monde académique. Ajoutons aussi que la définition de l’IHRA est souvent mal interprétée selon les agendas politiques des uns et des autres dans une période de tensions vives sur le sujet (la définition ne serait qu’un soutien supplémentaire à la politique israélienne de droite de Netanyahu). Il en est de même dans le monde universitaire où la définition de l’IHRA est exagérée, d’où la difficulté, sans doute, à imposer une définition précise de l’antisémitisme. Et alors que celle-ci avait pour principal but de clarifier l’antisémitisme actuel, elle renforce une confusion déjà présente entre antisémitisme et antisionisme.
La solution à ce dilemme aurait peut être été d’ajouter à cette définition un point supplémentaire afin de bien distancier les deux idéologies de haine que sont l’antisémitisme et l’antisionisme.
L’antisionisme est devenu l’archétype de l’antisémitisme contemporain. Depuis les années soixante, l’un est sous-jacent à l’autre (les lois contre l’antisémitisme, l’évolution des idéologues antisémites, l’antisémitisme/l’antisionisme de l’Union soviétique..).
Trop longtemps, nous avons fermé les yeux devant un antisémitisme larvé, caché derrière un antisionisme ; trop souvent encore, on se refuse de voir que l’un est intrinsèque à l’autre. D’ailleurs, le négationnisme est l’exemple parfait de cette rencontre entre l’antisémitisme et l’antisionisme, il a même facilité leur rapprochement.
Néanmoins, il faut faire attention à une dérive possible. La volonté actuelle de vouloir assimiler systématiquement ces deux idéologies est une erreur, car historiquement, ces deux formes de haine se sont caractérisées et exprimées indépendamment l’une de l’autre.
A les identifier l’une pour l’autre, nous empêchons leur compréhension distincte, et surtout nous réduisons les moyens d’action contre elles. Car, notre combat (la rhétorique, les actions…) contre l’antisémitisme n’est pas toujours le même que celui contre l’antisionisme, l’un n’est pas plus important qu’un autre, il est juste différent et à les assimiler, nous perdons une force dans le combat.