L’Alsace

7 Octobre 2023

Apparu dans les années 1970, le négationnisme reste vivace dans le monde. Soit il se camoufle derrière une fausse crédibilité, soit il se radicalise et assume clairement son antisémitisme. Rencontre avec Stéphanie Courouble-Share, historienne du négationnisme et chercheuse associée à l’Institute for the Study of Global Antisemitism and Policy de New York, qui était à Strasbourg cette semaine.

Vous avez participé mardi à Strasbourg à une conférence sur le négationnisme et le Struthof. Il y a une entreprise de négation de ce qui s’est passé au Struthof ?

Les négationnistes s’attaquent à tous les camps d’extermination. Donc certains d’entre eux, évidemment, s’en prennent au Struthof, notamment en disant qu’il n’y a pas eu de chambre à gaz dans ce camp. La chambre à gaz du Struthof n’était pas une chambre à gaz d’extermination à grande échelle comme à Auschwitz, elle servait pour des « expériences médicales », mais elle a tué aussi. Le Struthof est un camp plus petit au niveau de la mise à mort massive, mais il est important de montrer que le négationnisme cible aussi le Struthof.

Le négationnisme est un donc courant international qui se décline localement ?

Il y a des structures négationnistes internationales, par exemple l’Institute for Historical Review (IHR), qui organise des conférences, facilite des échanges entre « révisionnistes » américains et européens. Ceux-ci écrivent des ouvrages collectifs et éditent des sites internet et des revues en ligne, ils se traduisent les uns les autres. Leurs maisons d’édition se font passer pour des éditeurs historiques sérieux, et évidemment jamais il n’est indiqué que les auteurs sont proches de mouvements néo-nazis.

Il y a eu une évolution dans la façon dont ces ouvrages sont présentés : dans les années 1970-80 paraissaient des livres négationnistes qui étaient titrés « Les 6 millions sont un mythe » ou « Le canular des 6 millions », en référence aux 6 millions de morts Juifs de l’extermination nazie. L’intention négationniste était donc très claire. Ça a évolué : les négationnistes sont maintenant en quête de crédibilité, et utilisent des présentations plus passe-partout. Sur les plateformes de vente de livres en ligne, parfois rien ne permet de distinguer que tel livre sur les camps ou les chambres à gaz est négationniste.

Dans cette recherche de crédibilité, les négationnistes se présentent comme des scientifiques sérieux, alors qu’ils sont des pseudoscientifiques. D’ailleurs beaucoup sont docteurs, mais pas docteurs en Histoire (le négationniste français Robert Faurisson était docteur ès-Lettres, par exemple), mais ils mettent en avant leur titre pour pouvoir se donner cette apparence de crédibilité.

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