Revue d’Histoire de la Shoah – Automne 2023
Note de lecture – Les idées fausses ne meurent jamais. Le négationnisme, histoire d’un réseau international
par Romain Blandre
Robert Faurisson est mort le 21 octobre 2018, quarante ans exactement après avoir exploité le scandale provoqué par l’interview dans L’Express de Louis Darquier de Pellepoix, ex-commissaire aux Affaires juives du gouvernement de Pétain. Celui qui était considéré en France comme le chef de file autoproclamé du mouvement « révisionniste » mourrait, alors qu’il devait comparaître devant un tribunal quelques semaines plus tard devant un tribunal pour contestation de crimes contre l’humanité.
Réviser l’histoire est une pratique scientifique très éloignée de la méthode négationniste. En 1987, Henri Rousso préfère qualifier de « négationnistes » ceux qui cherchent à nier la Shoah. Loin de mener une démarche historique, ces Assassins de la mémoire, comme les nomme Pierre Vidal-Naquet, clament que les chambres à gaz n’ont jamais existé et qu’elles ne seraient que l’un des éléments du « mythe » visant à asseoir la domination juive mondiale et à justifier la création d’Israël. C’est effectivement un antijudaïsme virulent qui anime ces individus dont le seul but est d’attiser la haine contre les Juifs.
Pierre Vidal-Naquet partait du principe qu’on ne débat pas publiquement avec les négationnistes. En effet, viendrait-il à l’idée à un astronome de débattre avec un astrologue ? Pour rédiger la biographie de Robert Faurisson en 2012, Valérie Igounet a cependant dû mener un entretien avec lui afin de retracer son histoire, exposer ses idées et tenter de comprendre l’univers mental dans lequel évoluait le négationniste. Cet ouvrage venait compléter une étude parue plus de dix ans auparavant sous le titre explicite d’Histoire du négationnisme en France dans lequel elle distinguait quatre âges du négationnisme français. Dans son dernier opus paru dans la collection « Que sais-je », elle en ajoutait un cinquième, celui de l’internationalisation et de l’exportation du négationnisme, entre 2000 et 2020.
Le livre de Stéphanie Courouble-Share, ancienne élève de Pierre Vidal-Naquet et chercheuse associée à l’Institute for the Study of Global Antisemitism and Policy de New York, décentre le négationnisme de son histoire franco-française, pour l’inscrire dans celle d’un réseau plus global. Bien avant l’affaire Faurisson, il trouve son origine ailleurs et évolue durant toute la seconde moitié du xxe siècle pour prendre sa forme et sa structure actuelles. Sans nier la spécificité française, elle démontre, sources à l’appui, que ce mouvement qui touche fortement la France à la fin des années 1970 est déjà bien ancré en Allemagne et aux États-Unis depuis près de deux décennies.